Sélectionner une page

Les dirigeants européens se félicitent de la décrue du chômage, mais la Banque Centrale Européenne (BCE) se préoccupe, à présent, de la faiblesse de la dynamique salariale.  Elle constate le manque d’investissements, ceux-ci pourraient témoigner d’une reprise économique réelle. Seule, par contre, la croissance des dividendes est excessive. C’est la financiarisation des entreprises, imposée par les actionnaires et leurs fonds spéculatifs qui sont à l’œuvre. Ils empêchent l’utilisation de potentiel de travail et de l’activité des travailleurs, ils créent ainsi le chômage.

Les statistiques du travail

Dans le Soir du 17 mai, Dominique Berns, s’appuyant sur les statistiques d’Eurostat, constate que, en mars, 9,5% de la population active de la zone euro est au chômage, soit 15,6 millions de travailleurs, un réel potentiel transformé en un immense gaspillage de capital humain. Et ce taux reste supérieur au niveau de 7,3% qu’il avait avant la crise de 2008.

 

Depuis le crash bancaire, les politiques d’austérité imposées partout dans la zone euro, ont paralysé l’économie et cassé la croissance, entraînant une rupture de confiance de la population. Effectivement, malgré la diminution du chômage enregistrée, la reprise se fait attendre. Le pouvoir d’achat des travailleurs a été bloqué par le gouvernement, résolument rangé au côté du patronat pour s’en prendre aux salariés (saut d’index et norme salariale imposée, etc…)

Or, une dynamique salariale librement négociée, soutiendrait les dépenses de consommation des ménages et la reprise économique du marché intérieur.

La BCE ne peut que constater la sous-utilisation du facteur travail, qui reste nettement plus importante que le taux de chômage. Elle sous-estime aussi le manque d’emplois et la casse sociale dont les conséquences creusent les inégalités et l’insécurité sociale.

Le mal provient de la réduction des moyens de production et de travail résultant de la désindustrialisation et de la financiarisation de l’économie qui privent les entreprises des investissements nécessaires pour poursuivre leur développement.

Il s’agit de l’évolution du capitalisme, qui instaure une politique d’ajustement salarial profitable aux actionnaires mais destructive d’emplois.

Comme l’écrit Dominique Berns « ce doit être la première fois qu’une institution européenne l’admet ouvertement ».

L’enquête d’Eurostat sur les forces de travail révélait le chiffre de 6,8 millions de travailleurs dont le temps partiel n’était pas un choix. Pour le plus grand nombre d’entre eux, ce sont des travailleurs déçus et découragés, soit 6,4 millions en zone euro au quatrième trimestre 2016. Pour Eurostat, tous ces travailleurs en temps partiels subis et autres sous-statuts, auxquels il faut ajouter 15,6  millions de chômeurs, constituent une force de travail potentielle supplémentaire, estimée à 30,6millions de travailleurs qui sont privés d’emploi au sein de la zone euro.

Au Etats-Unis, le ministère de l’emploi publie chaque mois le taux de sous-utilisation du travail, qui s’élève actuellement à 8,6% pour un taux de chômage de 4,5%. En zone euro, ce taux de sous-utilisation du facteur travail atteint 18%, soit près du double de taux de chômage. On voit se multiplier les contrats précaires. Il s’agit de contrats : à durée déterminée, à temps partiel, à horaire variables et corvéables imposés à présent par la loi Peeters dit «Loi du travail ». On assiste ainsi à la transformation, tous azimuts, de l’organisation du travail, à la désintégration des processus de production, à la parcellisation des tâches, à la décentralisation et la délocalisation de nombreuses activités. Cette dérégulation par l’atomisation du facteur travail, a décomposé le salariat et affecte gravement la cohésion sociale.

Le travail indépendant

Le baromètre de la qualité de l’emploi et du travail a décelé une tendance à l’ubérisation de l’économie, avec une forte croissance du nombre d’indépendant qui travaillent en solitaire.

Dans certains secteurs, ces travailleurs livrent une concurrence déloyale aux salariés, en acceptant une flexibilisation libéralisée dans le « chacun pour soi ».

L’individualisation des trajectoires professionnelles rend le sort du travailleur funeste et conduit à l’affaiblissement des salariés et de leurs organisations syndicales. Celle-ci peinent, en tant que contre-pouvoir, à trouver une réponse solidaire.

Les clauses inégales et le plus souvent arbitraires du contrat de travail de plus en plus précaire, attestent de l’isolement du salarié et de son état de subordination. Le temps de travail, contrepartie du contrat de travail, appartenant aux salariés devrait permettre d’équilibrer le contrat par son contenu, afin de le rendre juste et égalitaire, mais il n’en est rien. Pour corriger cette dérive, il serait nécessaire d’en assurer collectivement le contrôle et encadrer ses multiples formes de flexibilité qui autorisent tous les abus.

La maîtrise de la gestion du temps de travail constitue le fondement essentiel du contre-pouvoir syndical.

Le capital humain que représentent les travailleurs ne peut être réduit à une simple notion d’employabilité par l’employeur. Le capital humain constitue l’assise de l’activité de nos sociétés. C’est lui qui les fait tourner ; c’est pourquoi, la sécurité d’emploi doit lui être accordée. Hélas, on est loin du compte, car l’ampleur de la sous-utilisation du travail, composée principalement de la masse des travailleurs à temps partiel, à durée déterminée.., auxquels il faut ajouter les travailleurs qui, malgré un frémissement de reprise conjoncturelle, ne sont pas en mesure de décrocher un emploi au vu de l’inadéquation de l’offre et de la demande du marché du travail.

En effet, le développement des technologies et leur exploitation selon les besoins spécifiques des entreprises ne préoccupent guère les actionnaires. Dès lors, l’adaptation des travailleurs vicitimes des vagues successives de licenciement collectifs ne sont pas en mesure de répondre à la plupart d ces offres d’emplois qualifiés ou spécialisés.

Compte tenu de ces multiples facteurs, la BCE évalue le taux de sous-utilisation du travail à 15%. Un niveau qui reste élevé et qui ne peut se réduire qualitativement.

 

L’économie souterraine et frauduleuse

Par les politiques d’austérité, la zone euro a mis en condition une masse de travailleurs découragés au risque pour nombre d’entre eux, de basculer dans l’économie souterraine, du travail au noir.

Le temps partiel imposé et subi confirme le sous-emploi organisé en variable d’ajustement par le système économique ultra libéral. Il exerce à la fois la pression à la baisse sur les salaires et sur les conditions de travail, en s’attaquant notamment aux Conventions Collective de Travail (CCT) isolant le travailleur dans une posture de liberté individuelle, tant prônée par la libre entreprise et nombre d’employeurs qui refusent le dialogue social et l’usage des conventions collectives, le libéralisme veille aux intérêts des actionnaires.

En observant comment se conduisent les entreprises transnationales, qui appartiennent aux fantômes de la spéculation, on peut se poser la question : jusqu’où vont-elle s’approprier la planète ? Et que vont-elles en faire ?

L’accumulation capitaliste constituent un danger de plus en plus visible et de plus en plus menaçant, s’appropriant tout et compromettant de plus en plus de personnes vénales. Voilà la société duale que nous réserve le modèle ultralibéral. Dire que bon nombre de nos concitoyens leurrés, mais rassurés par la mise en scène à grand renforts de communication sécuritaire orchestrée par les éléments les plus droites du gouvernement Michel croient que là se trouve « La solution ».